49e Paracha : Ki Tétsé "Quand
tu sortiras" Devarim (Le Deutéronome)
21, 10 - 25, 19

ki
tétsé lammil'hama âl oyévékha
Quand tu partiras en guerre contre tes ennemis, |
Les dates
du mois de Elloul
Lire: le 9 Eloul, arrivée
du Rambane à Jérusalem.
Cette étude
de la paracha est dédiée à chaque lecteur et à chaque
lectrice
pour leur souhaiter de réunir dans la plénitude
ce qui est ici exposé.
La
Torah demande de passer à l'action :
désirer, combattre, conquérir
et REUNIR,
c'est le tiqqoune le plus important.
Cette
paracha vous permettra de comprendre comment se relient les 4 différents
niveaux
des commentaires, et beaucoup de méthodes pour l'étude.
Plan Vue d'ensemble
: le combat juif Mais de quelle guerre s'agit-il ? Qui est le soldat
juif ? L'équipement du soldat juif. Les mitsvotes Les thèmes
de la paracha La méthode de l'étude Le pchate de la paracha
nous ouvre le sod, le secret L’éclairage du drache : le désir
venant du cœur Le désir venant de la pulsion La lecture au niveau
plus élevé 'Hanna et Hachém Tsévaote Eclairage
par une longue étude de la haftara Lecture de ce flux de Ra'hamim
jusqu'à la réalisation Exercices Développement
personnel Méthode d'étude. Mémoriser Pour
les étudiants avancés
| Audition
de la paracha (Alliance) sépharade Audition
de la paracha askénaze (lien Ort) Audition
de la haftara askénaze (lien Ort) Apprendre à
lire cette paracha dans l'hébreu ici,
selon les règles exactes L'union des néchamotes
(âmes) : la
conception juive du mariage Le Machia'h,
le Messie et les temps messianiques L'aspiration et l'approche
des complétudes (dessin de l'auteur) |
I - Vue d'ensemble : le combat juif
Ceux qui ont lu nos commentaires basés sur Chné
lou'hote habbérite du Chla depuis Béréchite ont bien
en tête la progression de l'enseignement de la Torah :
- 1e livre :
Béréchite
(la création, l'exposé de son plan, l'échec partiel, la reconstruction
par un individu Avraham, puis par une famille qui adopte la mission que lui propose
le Créateur : c'est la tâche du peuple juif).
- 2e livre :
Chémote
(pour réaliser cette tâche, ce peuple descend en Egypte pour assumer
le meilleur des cultures, et le pire aussi, et les faire sortir de là vers
Jérusalem ; à nouveau, c'est un échec partiel, seule une
minorité du peuple accepte de sortir de là; se dirige vers Jérusalem,
et seulement une petite partie des Egyptiens ; ils refusent dans leur grande majorité
de sortir du désert, mais ils y reçoivent cependant toute la protection,
toute la lumière directe de Hachém et Sa Torah, programme
de vie ; ils s'engagent à la connaître et à la vivre pour
toutes les générations, en allant la réaliser sur la terre
d'Israël).
- 3e livre : Vayiqra
(pour renouveler le fonctionnement social du monde dans la qéddoucha
-ou sainteté- qui devrait être son état de vie normal, une
organisation sociale est faite dans le peuple avec les cohanim, les
léviim et Israël, le Temple, les rites de prière, de pureté,
de sacrifices, de fêtes, etc ; tout le dispositif est prêt).
- 4e livre : Bémidbar
(le peuple apprend à vivre dans ce cadre et doit avancer ; nous constatons
combien il rechigne et ces erreurs nous instruisent ; nous apprenons aussi des
fidèles : Moché, Yehoshua, Caleb et toutes les femmes passées,
toutes, d'Egypte jusqu'au delà du Jourdain, et qui sont donc la vraie force
politique droite).
- 5e livre : Dévarim
(tout est repris maintenant au niveau individuel car c'est là que la réalité
se joue, non pas dans les théories, les idéologies, les appartenances
de naissance mais dans la fidélité vraie de l'action quotidienne
; alors, toute la Torah est redite mais cette fois de façon individuelle
pour que chacun la comprenne en pouvant s'y engager et l'assumer. Dans la paracha
précédente, Chofétim,on
a reçu l'explication du dispositif intellectuel et de jugement personnel
et social ; mais cela ne suffit pas, il faut agir : c'est
notre paracha).
Basons notre approche sur un axe solide,
très "Rachi", celui que nous allons trouver dans Vé'ham
hachéméche du Rav Chalom Messas, zal, qui nous dit ceci:
"La proximité
de cette paracha avec la paracha de la âgala ârouga nous donne
le sens (le Rav fait allusion à Dévarim 21 où on trouve un
cadavre en plein champ sans connaître l'auteur du meurtre et les Cohanim
devront venir et jeter une génisse dans un ravin où elle se brisera
la nuque; le Rav y voit le parallèle de toute action la plus concrète
avec des niveaux qui concernent les Cohanim et le monde d'En-haut): avant que
nos ancêtres partaient à la guerre, le Tribunal d'En-haut se réunissait
et jugeait les Fils d'Israël; et s'ils n'avaient pas commis de crime de sang
alors ils gagnaient sur leurs ennemis; et sinon le sang innocent qu'ils avaient
versé se présentait devant le Tribunal et plaidait contre eux, et
l'ennemi l'emportait sur eux, versait leur sang dans la guerre (le Rav fait ensuite
allusion à l'épisode relaté dans I Rois 22,17... où
le prophète voit toute ces scènes à l'avance autour de Hachém).
Gardons cet axe pour l'étude de toute la paracha: chaque acte le plus concret
qui se déroule ici est placé devant Hachém en Haut
non seulement pour le juger mais parce que le sens vrai des choses est aux deux
niveaux simultanément, et nous avons un enseignement là-dessus et
nous ne pouvons pas fausser le jeu en disant: le judaïsme concerne ici-bas
et D.ieu est là-haut, car nous avons la Torah qui concerne les deux mondes
simultanément. Donc, avançons maintenant, nous avons l'axe.
Dans le même sens, il nous était dit dans la paracha précédente
(Dévarim 18,13): tamim tiyé. On peut le traduire par: "soyez
complètement et naïvement avec Hachém". Et Rachi
l'explique: "en marchant avec Lui (hitalékh îmo) et en
acceptant totalement ce que tu en reçois". Il fait référence
à l'exemple d'Avraham en Béréchite 17,1. Et alors, réciproquement,
Hachém est avec nous (Dévarim 32,9).
Tout cela nous apprend
à regarder le concret dans une dimension autre et constante.
Ainsi,
d'entrée, la paracha nous dit qu'il faut agir, partir en guerre
pour réaliser cette même tâche qu'ont réalisée
toutes les générations : aller empoigner ce qui est prisonnier des
ténèbres, des écorces (qlipotes) qui empêchent
la vie de se réaliser et amener ces étincelles (nitsotsotes)
prisonnières vers la vie.
Mais cela doit se faire selon
les règles de la Torah ; nous avons encore vu récemment
de nombreuses guerres (Yougoslavie, Afghanistan, etc) dont l'intention était
parfaitement bonne mais, la gestion morale n'ayant pas plus de boussole que celle
des faiseurs de mal, les sauveteurs ont tué autant ou plus que les agresseurs
avec le cynisme de la bonne conscience, en plus. C'est là qu'agit la Torah,
en proposant une alternative. Les combats peuvent paraître semblables mais
pas la façon de faire, la Torah ne s'arrange pas du scénario du
business occidental : "toutes les guerres sont sales, et tout se finit par des
chansons avec musique pop et l'avancée des empires économiques du
type Mac Donald, Coca-cola, promouvant les droits de l'homme comme outil de conquête,
jusqu'à la prochaine guerre sale".
Pourtant la Torah est réaliste
: la vie est une guerre (ki tétsé la mil'hama, quand tu sortiras
pour la guerre).
Mais de quelle guerre s'agit-il ?
La paracha nous transmet les mitsvotes 532 à 605 : 74 mitsvotes à
entendre, étudier, appliquer, c'est beaucoup! Une conclusion: ce n'est
pas certainement pas une guerre du type : "qu'un sang impur abreuve nos sillons
(paroles de "La Marseillaise)". Ni une guerre, la plus répandue dans les
esprits en tous pays, qui se résume à la sage parole de Desproges
: "l'ennemi est un ..., il croit que c'est nous l'ennemi alors que c'est lui".
Ici, on parle de guerre, de prisonnière, certes, mais c'est
une guerre de... Hachém. Vous objecterez : "on connaît toutes
ces guerres de religion, l'horreur toujours garantie au nom des dieux". Non, ce
n'est pas cela :
- seuls partaient en guerre réelle
les "tsaddiqim", ce n'étaient pas les soudards ni la
conscription populaire obligatoire.
- Leur but est le chalom
qui
est la dernière étape de tout le processus progressif de
complétude par l'ascèse personnelle et collective comme
le montre le mot chalom mis en dernière marche dans les 19
bénédictions de la âmida et dans les versets de
Vayiqra 7, 37 et Bamidbar 2, 27 et 29, 39 (à lire chacun). Ce n'est
donc pas le concept non juif de la "peace now" (tout maintenant et on a la paix)
pour qui tout se règlerait magiquement en donnant immédiatement
à l'adversaire tout ce qu'il demande et en s'en faisant le complice actif
dans son projet sanguinaire de destruction.
La paix
juive désire -certes- sa réalisation aujourd'hui (hayom)
mais elle est réfléchie, préparée, et surtout elle
se paie d'une ascèse personnelle sophistiquée. Seuls les tsaddiqim
sont dignes de combattre sur ce terrain, ce n'est pas le lieu des combats d'opinion,
de l'action par la désinformation, par les manifestations et par des votes
collectifs.
En fait, sous cet axe de vision, malgré leur disparité
apparente, les mitsvotes présentes dans la paracha ont alors des liens
entre elles.
Qui est le soldat juif ? (se reporter
aux références)
Oui, nous devons être des soldats ('hayalim)
qui vont d'action courageuse en action courageuse (mi'hayil lé'hayil),
nous dit la Torah. Qu'est-ce ? Non pas le roche qatane (la petite tête,
la petite cervelle, comme on dit en Israël ou dans tout pays, l'abruti que
la discipline militaire a réussi à former comme une machine à
exécuter des ordres sans penser). Le soldat juif, souligne Rachi sur Bémidbar
31, 3, au contraire est "équipé pour le combat, 'haloutsé
tsava au sens non seulement de courageux mais ayant un équipement (de
Torah)".
L'équipement du soldat juif
est celui-ci (voyez le commentaire de Rachi en Bémidbar 31, 3-5) :
1 - des "hommes". Le concept d'homme juif,
le "menche" comme on dit en yiddish, n'est pas le macho, pensant qu'il peut
faire carrière politique simplement parce qu'il a commandé des hommes
militairement selon la discipline et la force entre hommes, avec le mépris
des femmes souvent et le mépris de minorités qui ne lui ressemblent
pas, et qui ose le dire souvent publiquement avec assurance et sans pudeur, même
s'il accède à des fonctions civiles élevées.
2
- Rachi le dit : tsaddiqim, des "justes", point final, rien d'autre.
Et Chémote 17, 9 dit avant le combat contre Âmaléq : c'est
cela qu'il faut choisir, rien d'autre, des "vrais hommes" au sens de la noblesse
humaine : be'har lanou anachim.
3 - Et Dévarim
1, 15 dit : des hommes qui soient des Sages de la Torah et reconnus comme tels
(anachim 'hakhamim véyédouîm); eux seuls seront capables
d'affronter les frayeurs nocturnes comme le dit Job 4, 13, c'est-à-dire
les combats les plus terribles de la condition humaine sur le plan individuel
ou collectif.
Je n'ai fait là que rapporter l'enseignement
du Middrache Tan'houma sur notre paracha ; c'est la source de Rachi.
Demandons que revienne ce temps dans le peuple d'Israël ! et que l'on perde
le mode de choix de nos leaders de combat face aux ennemis, par les manipulations,
les campagnes d'opinion ou de médisance dans les médias, procédés
que l'on a amenés d'ailleurs et qui ne sont pas notre tradition.
4
- Et Rachi ajoute : de tels combattants, les tsaddiqim, sont chers ('havivim)
à tout Israël et viennent de toutes les tribus (sur Dévarim
31, 5). Apprenons donc à voir chaque communauté d'Israël au
niveau de ces qualités des tsaddiqim, à égalité.
C'est pour cela que nous voyons comme une nécessité les pages sur
la connaissance des maîtres de toutes les communautés (lien ici
et ici).
5
- Un des signes de leur qualité était qu'ils pratiquaient tous
les règles de la pureté dans leurs relations avec leur épouse
(Qiddouchine 76a). Cette qéddoucha dans la relation de couple est
le summum de la qualité humaine. Ils poussaient la délicatesse
jusqu'à accorder un acte de divorce (guét) préventif
pour le cas éventuel de disparition pendant la guerre, voilà la
qualité de ces hommes (Chabbate 56a et Kétouvote 9b).
6
- Et David était le modèle de ces combattants, sachant organiser
l'armée et aller au combat, mais en étudiant sans cesse la Torah
et l'interrogeant, accompagné du rouleau de la Torah, s'enveloppant
du talite (châle de prière) et allant consulter les Sages
du Sanhédrine quand il avait un doute.
Ces soldats avaient d'abord
comme équipement la Torah, l'arche de l'alliance, la plaque du Cohen, le
talite qui enveloppe de la présence divine, les téfilines
qui effrayent les ennemis car ils savent alors que ces combattants sont branchés
sur la droiture du Ciel et sont protégés.
7
- Ainsi David menait-il son armée et ses troupes : David régnait
sur tout Israël, il assurait la justice et la bonté (ôssé
michpate ou tsédaqa) pour tout son peuple et Yoav ben Tsérouya
était à la tête de l'armée (II Chmouel 8, 15). De
tels soldats qui voient les guerres concrètes à l'intérieur
de la guerre de la droiture qu'est Hachém, assurent la bonté
du peuple : vayaâvod Yisrael éte Hachém kol yémé
Yehoshua, "tout Israël a servi Hachém pendant tout
le cours de la vie de Yehoshua" (Livre de Yehoshua 24, 31), épisode exceptionnel
de l'histoire.
Il faut se reporter à toutes ces références
si nous voulons réaliser une étude précise et profitable
en nos heures d'urgence. |
Soyons
modestes, nous n'avons pas encore retrouvé ce niveau, beaucoup de jeunes
juifs religieux dans le monde, désireux de donner leur vie pour la Torah
et pour leur peuple, estiment que le manque et l'impossibilité organisée
de vivre de façon toraïque dans l'armée israélienne
rend impossible leur participation. La constitution d'unités cachers adaptées
à ces Juifs, dans l'armée israélienne, est un projet toujours
débattu et reporté, un serpent de mer, mais il commence à
avancer. Cela est mélangé avec confusion dans les débats
sur la reconnaissance ou non de l'étude de la Torah comme fonction nationale
vitale et comme fonction nationale de défense dans le peuple. Ajoutons
les problèmes d'incompréhension, de haine, de débat entre
les deux piliers écrits dans les lois de l'Etat d'Israël "à
la fois juif et démocratique" avec la difficulté de concilier ces
deux concepts, les jeunes qui se détournent aussi de leur participation
aux efforts et sacrifices collectifs de la nation comme de la Torah; ceux qui
n'y participent pas tout simplement en vivant hors du pays; chacun connaît
exactement ces débats et nous ne faisons pas ici analyse journalistique.
8 - Mais que nul (ici ou là-bas) ne critique les jeunes
juifs d'Israël, de quelque bord qu'ils soient dans le débat, quand
lui-même ne s'est pas mis à leur âge sur le terrain géographique
et civique d'Israël en situation d'être lui aussi éventuellement
enrôlé et en péril, alors qu'il est dit dans la Torah que
les combattants étaient de toutes les tribus, donc même
de celle de Lévi (Rachi sur Dévarim 31, 4).
Tout
cela devait être connu, en préalable, pour lire maintenant les versets
de notre paracha et bien les interpréter.
Les
mitsvotes de la paracha
La paracha nous transmet les mitsvotes
532 à 605 pour bien mener cette guerre dont nous allons voir de laquelle
il s'agit ; 74 mitsvotes à entendre, étudier, appliquer, c'est beaucoup
! En fait, sous leur disparité apparente, ces mitsvotes ont des liens.
Le principal lien qui les réunit dans cette guerre et dans
cette "sortie" en guerre, est celui que nous indique Rabénou
Yaâqov Abou'hatséra à la suite des Sages : ces mitsvotes
sont placées dans un cadre qui en montre l’enjeu, c’est celui de la
présence de Hachém dans
le monde; en effet, le premier verset (Dévarim 21, 10) commence
et se termine par les lettres khaf et vav qui forment le chiffre
26, chiffre du Nom de Hachém, et les versets suivants (21, 11-14)
commencent et se terminent tous par les deux dernières lettres du saint
nom de 4 lettres vav hé, qui indiquent la tâche à accomplir
par contribuer à la plénitude de ce Nom saint.

ki
tétsé lammil'hama âl oyévékha
Quand tu partiras en guerre contre tes ennemis... |
ounetano Hachém élohékha béyadékha véchavita
chivio;
que Hachém ton D.ieu les livrera en ton pouvoir,
et que tu leur feras des prisonniers ;
véraïta bachivya échéte
yéfate toar
si tu remarques, dans cette prise, une femme
de belle figure,
vé'hachaqta vah vélaqa'hta lékha
léicha ...
qu'elle te plaise et que tu la veuilles prendre
pour épouse"... Dévarim 21, 10-11.
Précisons.
Si nous savons que toute l'existence dépend du Nom de D.ieu de 4 lettres,
nous voyons que les 2 premières lettres de ce Nom qui en indiquent
le plan et le potentiel et les forces (youd, hé)
délimitent
le premier verset au début et à la fin du verset :
donc
le contenu nous montre qu'il y a bien une guerre à mener dans le monde
et dans notre brève vie, mais selon la part de D.ieu.
Ensuite,
les versets suivants sont la part de l'homme : il doit rendre complet le Nom en
le réalisant dans l'action décrite dans les versets suivants (recherche
de la femme et des étincelles de néchama, délivrance
de l'âme sainte) ; alors, les deux lettres du Nom divin qui encadrent ces
versets successifs (vav, hé) seront réussies et Hachém
sera unifié et le Nom de 4 lettres sera complet,
comme il est
dit : yiyé Hachém é'had ou chémo é'had,
en ce jour Son Nom sera Un (Zacharie 14, 9).
Par ce cadre
et par ce travail précisés dans la Torah, le judaïsme exclut
l'idée d'un sauveur déjà venu, l'état lamentable du
monde suffirait à le prouver ; ce serait contraire à la parole de
D.ieu dans Sa Torah.
Nous
avançons lentement mais sûrement dans la découverte de la
paracha :
Quelle est donc cette guerre à mener ? |
Les thèmes de la paracha
Quelques
thèmes qui habillent et présentent ces 74 mitsvotes de la paracha
sont :
le désir d'union envers une prisonnière de guerre,
le soin à manifester envers la dépouille de condamnés, les
objets perdus à rendre à leur propriétaire, l'aide à
apporter aux animaux qui s'effondrent sous un fardeau, l'interdiction de porter
des vêtements de l'autre sexe, la libération de la mère quand
on saisit ses oisillons dans le nid, la construction de balustrades pour prévenir
des chutes, l'interdiction de certains mélanges de textiles dans les vêtements,
la conduite à avoir envers une femme violée, l'enfant mamzér
résultant de rapports sexuels illégitimes, le document certifiant
et clôturant le divorce, .../..., le lévirat, le rappel du souvenir
d'Amalec.
La méthode de l'étude
Le Beit
middrache Modia ne transmet pas des idéologies sur la Torah mais uniquement
les enseignements de nos Sages, même si je les rends explicites et si je
développe la description existentielle de cet enseignement.
Voyons
encore, étape après étape comment procèdent nos Sages
pour comprendre. La méthode suivie est de se poser des questions précises
et multiples avant de formuler notre petite "idée". Voyons en ce sens comment
procède le grand Ribbi
'Hayim ben Attar (lien ici), le Or ha 'hayim ha qadoche, alors que
nous -petits- n'aurions pas été si prudents !
Nous apprendrons
avec lui la méthode et le vocabulaire du questionnement (à propos
du premier verset).
- "quand tu sortiras pour la guerre contre tes ennemis"
: il faut savoir tsarikh ladaâte pourquoi la Torah a été
contrainte de dire tout cela lama outsrakh lomar kol zé.
- de plus, ôd, après que la Torah ait dit
a'har ché amar "quand tu sortiras pour la guerre",
il n'était pas nécessaire de dire lo haya tsarikh lomar
"contre tes ennemis".
- mais peut-être que véoulaï
ki... sur la base de léfi ché...
-
en fonction de cela, 'hach hakkatouv ché le texte a senti
qu'il fallait nous dire...
- et de cela tu as appris mi zé ata
laméd ché...
Essayez de reprendre par vous même
cet exercice d'analyse sur le premier verset par des questions que pose implicitement
le texte. Alors vous serez entré dans la véritable méthode
juive de l'étude, pratiquée dans le beit middrache et
dans les yéchivotes depuis toujours.
Ainsi, le Rav 'Hayim
ben Attar remarque qu'il n'est pas dit :
"si tu remarques, dans cette
prise, icha une femme ayant belle figure"
mais :
"si tu
remarques, dans cette prise, échéte une femme-de (quelqu'un)
ayant belle figure".
Quel est donc le sens essentiel de cet époux
invisible, non nommé ? Cela va nous donner la clef (par l'hébreu,
encore une fois).
Comprenons bien cette expression : échéte
yéfate toar , "une femme ayant belle figure" ;
en hébreu,
femme se dit icha ; "femme de Untel (état construit) se dit échéte.
Ainsi, dans le cantique chanté chaque vendredi soir en famille, Echéte
'Hayil, cette expression ne veut pas dire "femme forte" mais "femme-du
fort", et cela fait allusion bien entendu à Hachém. On voit,
par cet exemple, toutes les pertes de sens que nous ferions à partir de
la méconnaissance de l'hébreu, et sous l'influence de la seule langue
commune influencée par les religions environnantes.
Donc, cette "femme-de"
que l'on rencontre dans une guerre est celle dont le combattant juif sent qu'il
est de la même néchama qu'elle, il sent que c'est son épouse.
Voilà pourquoi les commentaires soulignent qu'il n'est pas dit seulement
: "et tu éprouveras du désir pour elle" mais c'est un impératif
: "éprouve du désir pour elle" ; et quelques commentateurs
vont plus loin encore en ajoutant "même si c'est une femme mariée"(!).
De quoi s'agit-il donc ?
Le pchate de la paracha nous
ouvre le sod, le secret
Arrivons alors au sens. Ribbi 'Hayim ben
Attar dit : par la faute d'Adam, des parties glorieuses et importantes des âmes
(néchamotes) sont tombées égarées sous les
prises des forces négatives (sitra a'hara) et ce seront les néchamotes
des convertis (guérim). Voir ici le dossier "conversion".
Et il ajoute : "sors de toi-même et comprend maintenant (tsé ou
lémad) combien et combien des grands du monde (juif) viennent ainsi
des nations; te le prouvent Ruth et Chémaya et Avtalione, et Onqélos,
et ainsi de nombreux" (Sanhédrine 96b).
(Et il poursuit) "et je vais
te dévoiler un secret, ces âmes pures mais encastrées n'ont
pas la capacité de se dégager avant le temps qui est celui de leur
liberté. C'est toute la question très délicate de la conversion
: elle est absolument identique à la question de la différence entre
les nations et Israël, comme il est dit dans la Haggadah de Pessa'h : nos
ancêtres ont fait le trajet de guérim, de convertis, en s'extrayant
de ces écorces qui asphyxient la lumière".
Mais la tradition
montre aussi que ce problème du passage réalisé par Avraham
n'est pas réglé entièrement dans le peuple
juif parmi les Juifs de longue souche, pour plusieurs raisons :
- lors de
la sortie d'Egypte, une masse informe s'est intégrée au peuple hébreu
se libérant, et cela non par adhésion sincère à la
lumière mais par calcul d'intérêt ; et cette racine toujours
présente dans le peuple juif a donné le veau d'or et de nombreuses
catastrophes dans l'histoire juive et d'âge en âge tente de détruire
le peuple de l'intérieur. Voilà pourquoi les rabbins sont toujours
très prudents et souvent réticents au départ envers les demandes
de conversion car ils ont eu parfois l'exemple après coup de motivations
qui n'étaient ni pures ni solides et qui ne tiennent pas ensuite.
- d'autre part, la sortie d'Egypte ne supprime pas le problème de la réunion
si difficile de l'homme et de la femme dispersés depuis un seul adam.
- enfin, chaque humain est placé devant les défis de la liberté
qui définit l'homme et où il peut chuter ; il a à choisir,
face à la transmission des valeurs qu'il reçoit, face à la
fidélité à son être profond, et face aux mitsvotes
qu'il doit assumer, face à chaque phase de la gestion de son instinct,
c'est ce que nous allons voir. En effet, la Torah parle de la rencontre d'un homme
et d'une femme pour exprimer tout cela, et elle ne parle pas de question philosophiques
générales (to be or not to be, être ou ne pas être).
Apprenons ainsi à connaître aussi notre culture juive.
L’éclairage
du drache : le désir venant du cœur
La Torah nous montre
que la première source vivante de cette morale est celle du désir
qui pourrait susciter notre comportement face à ces êtres faibles
envers qui la pulsion du cœur et du désir émergent.
La
Torah valorise tous les désirs de notre cœur et veut les orienter vers
Hachém : Hachém, négdékha kol taavati,
"Hachém, tout mon désir est devant toi" (Psaume 38,
10). Rabbénou
Bé'hayé (lien ici) place ce verset en exergue de son commentaire
de toute notre paracha.
En effet, contrairement à
l'opinion superficielle disant que la prière ou les sacrifices n'ont qu'un
rôle pédagogique envers nous car cela ne pourrait rien ajouter à
Hachém, la tradition la plus établie nous enseigne que "D.ieu
recherche le cœur de l'homme" (ra’hamana liba baê, dit Sanhédrine
106 b et son commentaire de Rachi). Le Rav
Na'hmanide (lien ici), qui monta à Jérusalem un 9 Eloul comme
cette année dans la semaine de ce chabbate, insiste beaucoup sur cela face
aux erreurs des rationalistes.
Le Chla revient constamment sur
ce thème dans toute son œuvre par la phrase âvoda tsorékh
gavoa, "de notre prière du cœur, a besoin, le Très-Haut". Et
il nous est prescrit, dans le texte du chéma yisrael de ne pas nous
laisser égarer par les mouvements de notre cœur ni par nos yeux (Bémidbar
15, 39). Et, comme les yeux sont la porte du cœur par où ce que nous voyons
éveille nécessairement et immédiatement notre désir,
il nous est demandé de veiller constamment à notre regard, de le
protéger, et de bien l'orienter et de le réorienter quand il erre.
Le verset d’Isaïe 11, 3 parle du Messie comme celui
"qui sera animé de la crainte de Dieu et ne jugera pas selon ce que ses
yeux croiront voir" (vahari'ho béyireate Hachém vélo lémaré
êinavyichpote vélo lémichmâ oznav yokhia'h).
Cet
enseignement de la Torah pose comme condition à la venue des temps messianiques
la capacité de contrôler ce
que l'on voit et entend (lien ici),
d'être assez lucides et assez forts pour ne pas y accorder de valeur pour
juger autrui. A l'époque des médias qui veulent nous influencer
par les journaux et la télévision, à l'époque où
nous recourons en complicité avec eux pour voir le monde par leurs lentilles,
il est important de prendre au sérieux cette mise en garde de la Torah.
Sans ce contrôle de notre regard il n'y aura pas de ra'hamim, pas
de miséricorde et de salut dans le monde.
Cela rejoint
le passage de Kétouvote page 110, que nous avons déjà cité
où il nous est dit que "celui qui vit hors d'Israël est comme s'il
n'avait pas de Dieu" (haddar bé 'houts laaréts domé kémi
ché éïne lo Eloha), car inévitablement il voit
et entend ce qui est proposé au regard et à l'audition par les
valeurs de ce monde-là, les "dieux" de ce monde, et n'intègre pas
en lui ce que la terre et la Torah de cette terre donnent à intégrer,
le D.ieu de cette terre et de cette Torah.
Le désir
venant de la pulsion
Le désir qui donne forme à la pulsion
éveillée est ce que la tradition nomme yétsére
harâ. Elle ne le considère pas comme quelque chose de négatif
car, sans cette pulsion, il n'y aurait pas de continuité de la vie ni de
reproduction ; il suffit donc de capter la force nécessaire de ce
yétsére harâ, et de la réorienter en
la canalisant, puis l'élever vers D.ieu dans le cadre de la bénédiction
et de la Torah pour que l’action y soit conforme.
Ainsi,
l'interdiction de porter des vêtements de l'autre sexe est ainsi explicitement
rapportée au contrôle de l'excitation du yétsére
harâ : yétsére harâ dérékh taava
oufitouï.
Les Sages disent que toute la Torah s'est donnée
cette tâche d'éduquer ce yétsére harâ
: lo dibera Torah élla kénéguéde yétsére
harâ (Kiddouchine 21 b).
Cette analyse de la Torah que nous
réalisons en ce paragraphe est le niveau de l'allusion morale.
La lecture au niveau plus élevé
Le niveau du sod, le secret interne qui éclaire et meut,
reprend ces mêmes niveaux mais il en montre la dynamique qu'ils expriment
dans les niveaux supérieurs, ou également les niveaux qu’il peut
y mobiliser.
Rabbénou Bé'hayé le montre
clairement concernant la 544° mitsva (Dévarim 22, 6) qui consiste à
laisser partir la mère quand on capture ses petits.
Reprenons
la méthode que nous connaissons bien qui consiste à trouver le message
à partir des caractéristiques linguistiques de la Torah: le fait
que la Torah dise "la mère" et non "le père" nous montre qu'il s'agit
des niveaux supérieurs appelés "mère" dont nous parlent les
Proverbes (2, 3) : ki ém la bina tiqra, "tu diras à la sagesse
d'En-Haut : mère".
Rabbénou Bé'hayé
rapporte aussi une seconde lecture, selon ce niveau, qui est inspirée du
Zohar Ruth sur Va yéhi bimé... : "cette mitsva éveille
le niveau d'En-Haut nommé Ra'hamim (miséricorde) car la mère
qui est relachée s'inquiète et se soucie de la destruction de son
nid et de son éloignement face à ses petits jusqu'à penser
à se suicider, et alors la puissance d'En-Haut (le sar, prince qui
est préposé aux oiseaux) demande miséricorde à Dieu
comme il est dit : "véra'hamav âl kol maâssav,
Sa miséricorde est sur toutes ses œuvres" (Psaume 145, 9) ; et
alors le niveau appelé Ra'hamim fait épandre la bénédiction
sur tout le monde entier".
Ainsi, lorsque quelqu’un se
déplace de son chemin pour aller accomplir gratuitement cette mitsva
de ne pas prendre la mère (en effet, ce n'est pas une mitsva contraignante
contrairement aux autres mitsvotes, éina mitsva mé'houyévéte
kémo chéar mitsvote), il contribue à l'amélioration
du monde. Voilà pourquoi il est dit que "cette mitsva allonge les jours
de la vie" car seul Ra'hamim peut réaliser ce don.
Rabbénou
Bé'hayé indique qu'il s'agit là d'une des mitsvotes qui n'ont
de sens véritable qu'en en comprenant le sens au niveau de la qabale (mitsva
zo mine hamitsvote hamméqoubalote).
'Hanna et Hachém
Tsévaote
C'est en ce point de souffrance que se plaça
'Hanna lorsqu'elle supplia Hachém ("l'âme remplie d'amertume,
elle pria sur Hachém et pleura longtemps; puis elle prononça
ce vœu : Hachém Tsévaote...". I Samuel 1, 10-11).
La tradition enseigne que "lorsque toutes les portes de la prières sont
fermées, la porte des larmes permet de faire monter la prière qui
devance alors toutes les autres et elle est reçue et exaucée" (Zohar
I 132 b, 228 b ; II 12 b, 145 b, 165 b).
Il faudrait ajouter, pour
situer ce terme de Ra'hamim qu'il s'agit du niveau le plus élevé,
avec le ratsone (volonté) parmi les noms de Dieu, correspondant
au nom Ehié, révélé à Moché au
delà de toute appréhension de l'homme, comme l'indique Ribbi Yossef
Guikatillia dans Chaâré Ora, repris par tous les grands maîtres
ultérieurs.
Eclairage
par la haftara
Cette lecture nous permet à la fois de comprendre
le choix de la haftara qu’il faut lire maintenant (Isaïe 54, 1-10),
et le sens de la première mitsva de la paracha, celle de la prisonnière
de guerre devenant épouse.
I.
En effet, ce nom Hachém
Tsévaote relie la haftara (Isaïe 54, 5) au sens de la paracha
Lisons-le
: ki voâlaïkh ôssaîkh Hachém Tsévaote
"car ton époux, celui qui t'a fait, Hachém Tsévaote
est Son nom."
(pour la règle de lecture de voâlaïkh
et non pas boâlaikh, voir la
page de lecture, lien ici).
La haftara nous dépeint
Jérusalem sous l'image d'une femme stérile (cf. ‘Hanna) ou d’une
veuve. Ce sont deux situations tragiques sans retour possible. Et il lui est dit
que Jérusalem s'étendra (le flux de bénédiction
se diffusant après être venu de Ra'hamim la miséricorde
divine) en espace et en enfants, que son humiliation est terminée et
que le temps de l'amour est revenu ; "oui, ton époux ce sera ton Créateur,
Hachém Tsévaote...").
Nous voyons que
'Hanna (I Samuel 1, 3) emploie ce même nom de D.ieu, Hachém Tsévaote,
car elle connaissait la science de ces Noms saints et leur fonction précise
dans la prière. Ce Nom, Hachém Tsévaote, exprime que
la bonté de Ra'hamim descend et passe en réalisation concrète
jusque dans les structures les plus précises de la réalité
pour atteindre le but visé dans la Création, c'est le niveau intermédiaire
entre Ra'hamim (la source de miséricorde), et El Chaddaï
(fécondation réalisée), comme le dit Yaaqov quand il
veut retrouver ses fils : El Chaddaï vous donnera Ra'hamim.
Béréchite 43, 14). Tout cela est enseigné dans le livre Chaâré
Ora, du Rav Yossef Guikatilia (1248-1325).
Lecture de ce
flux de Ra'hamim jusqu'à la réalisation
Nos
Sages nous montrent que nous trouvons la lecture de cette fonction dynamique clairement
exprimée dans les différents contextes où apparait l'expression
Hachém Tsévaote. Donnons quelques exemples, en traduction
littérale :
- Je vais renforcer le courage
des habitants de Jérusalem par Hachém Tsévaote (Zacharie
12, 5).
- Ils cogneront dans la prière Hachém Tsévaote
pour que les vases qui restent encore dans le Temple de Hachém ne
soient pas emportés à Babylone (Jérémie 27, 18).
-
Vrai, Israël n'est plus veuf, ni Yéhouda de son Dieu, de Hachém
Tsévaote (Jérémie 51, 5).
- Notre sauveur,
c'est Son nom Hachém Tsévaote, le saint d'Israël (Isaïe
47, 4).
- Son pain ne manquera pas car Je suis Hachém
ton Dieu, celui qui dompte la mer
quand ses vagues se soulèvent
et qui se nomme Hachém Tsévaote (Isaïe 51, 14-15). -
Leur sauveur est puissant, Hachém Tsévaote est Son
nom, il prendra en mains leur cause, de façon à rendre la paix
à la terre (Jérémie 50, 34).
- Oui, un reste
refleurira à Jérusalem et des débris de la montagne de Sion,
voilà ce que réalisera l'amour de Hachém Tsévaote
(II Rois 19, 31). - David alla grandissant de plus en plus, Hachém
Tsévaote étant avec lui (I Chroniques 11, 9).
Dans
la prière, le psaume 84, lu avant l'office de Min'ha par les Sépharades,
manifeste clairement ces rôles ; on y voit que ce Nom assure la bénédiction
descendant et emplissant toutes les voies à travers tous les noms de
Hachém.
A l'heure d'angoisse et de fatigue qu'est l'office de Min'ha organisé par
Yits'haq notre père, lui qui a connu beaucoup de souffrances, se réalise
le projet de la bénédiction sans que rien ne puisse l'empêcher.
C'est ce que nous avons aussi exprimé dans
les
versets d'Isaïe placés autour de l'image de la lune (lien ici),
image de ce qui est pauvre et a besoin de recevoir la lumière d'autrui.
Alors, "heureux celui qui sait cela et qui y trouve la confiance",
comme le dit le psaume acheré yochévé
véitékha...qui suit dans l'office de min'ha.
Par
là, nous venons d'apprendre autre chose :
la haftara a souvent
une fonction d'éclaircissement de la dynamique de la paracha que l'on risquerait
de ne pas percevoir à cause de la masse et de la condensation des prescriptions
ou du sens apparent du récit dans la paracha. Elle commence par le mot
Ronni, réjouis toi. Elle résume toute le scénario
de la femme heureuse, totalement libérée et réunie aux potentiels
de son être.
Cette haftara très
courte affronte un problème pertinent et douloureux : même si la
femme Israël veut revenir vers D.ieu qui lui promet bénédiction,
fécondité et rassemblement, il faut oser mettre en face de cette
promesse la dure réalité contraire : l'infertilité. Ce thème
de la femme stérile qui est un fil continu dans l'histoire biblique.
1.
La fertilité est la volonté explicite du Créateur
Le
but de la Création est l'union du couple et la multiplication et l'éducation
des enfants dans la Torah (Béréchite 1, 26-28). Bien plus, le prophète
Isaïe qui est le porte-parole de Hachém le rappelle lui-même
(45, 19-19) en termes absolus et sans nuances :
- car ainsi parle Hachém, le Créateur des cieux, ce D.ieu
qui a façonné la terre... non pour qu'elle demeure déserte
mais pour qu'elle soit habitée ;
- Je suis Hachém
et il n'en est pas d'autre (c'est la règle du Créateur qui s'engage
Lui-même en cela) ; ce n'est pas en secret que J'ai parlé, dans un
endroit obscur de la terre (le décrêt est public).
- Je n'ai
pas dit aux enfants de Yaâqov : recherchez-moi dans la solitude...
De
nombreux textes vantent la bénédiction divine sous ces images (voyez
les psaumes 127 et 128). Inversement une punition radicale peut être l'absence
d'enfants (Vayiqra 20, 21).
2. Il y a des échecs,
pourtant : il y a de nombreux cas de saintes femmes stériles (Sara, Rivqa,
Ra'hél, 'Hanna). Les textes décrivent la souffrance terrible qui
en découle : Ra'hel crie "donne-moi des enfants ou je meurs" (Béréchite
30, 1).
3. C'est même cette situation qui est prise
comme modèle de ce que doit être l'attitude de chacun devant Hachém,
en particulier dans la prière : reconnaître que rien ne nous est
dû mais que nous dépendons entièrement de Hachém,
avoir confiance, le remercier à l'avance pour ses bienfaits. La prière
de 'Hanna et son attitude sont enseignées comme le modèle à
suivre par tout priant, homme ou femme (II Samuel, ch. 2).
4.
Dans la haftara, Hachém reconnait que c'est bien la situation d'Israël
que ce manque, cette souffrance, cet outrage, cette honte et cette humiliation.
Pour la dépeindre, il y ajoute également la situation anormale du
veuvage, et celle de la femme abandonnée. Nous sommes donc dans un virage
: ce n'est plus seulement une exhortation envers Israël à revenir
vers son Dieu, mais Lui-même reconnaît qu'Il a une part dans cette
situation déplorable : "Je t'ai un instant caché Ma face, un court
instant Je t'ai délaissée".
5. Hachém
jure qu'Il gardera désormais une affection sans limite ('hésséd
ôlam). Cet état s'appelle une miséricorde (ra'hamim)
et, en un concept très précis : "alliance de paix" (brite chalom).
Donc, cette haftara est un changement complet, un virage dans
la façon dont les problèmes sont posés, et un changement
dans la relation.
Cela demande une grande réflexion
personnelle.
III.
Etude plus précise de la haftara
Lisons le début
Ronni,
âqara lo yalada (atna'h)
Réjouis-toi et chante, stérile
qui n'as pas enfanté (fin du demi-verset) ;
pits'hi rinna vétsahali
lo 'hala
éclate en jubilations et chants, et réjouis-toi
qui n'as pas porté d'enfant.
ki-rabim béné-choméma
car plus nombreux les enfants de l'abandonnée délaissée
mibéné véoula, amar Hachém
que les
enfants de l'épouse, dit Hachém.
(et la suite). Restons
sur ce passage.
Nous voyons qu'il y a beaucoup de termes de joie.
Nous en trouvons la signification dans un lieu conjugal, le verset du Cantique
des Cantiques disant : "nous serons heureux et nous réjouirons en Toi"
commenté par la tradition orale dans le Middrache Chir ha Chirim 1,
4, 1 :
"il y a dix formes d'expressions de la joie qui sont exprimées
en relation avec Israël (10 est une complétude) :
- guila
(allez voir Zacharie 9, 9)
- sissa (allez voir Isaïe 61, 10)
- sim'ha (allez voir Isaïe 66, 10)
- rinna, ici (et
allez voir en Zacharie 2, 14)
- pits'ha, ici
- tsahola,
ici
- âltsa (allez voir I Salmuel 2, 1 et psaume 28, 7)
- 'hedva (allez voir Ezra 6, 16)
- hariou (allez
voir psaume 98, 4)
- ditsa (allez voir Job 41, 14).
Tout cela
pour montrer que notre passage est particulièrement important comme message
de joie complète par le nombre d'appellations diverses qui y sont présentes
dans l'hébreu.
Quel est le motif très précis
de cette joie ?
On pourrait croire que cela vient de l'annonce de temps
meilleurs ou du retour de l'exil. Nous allons voir que c'est beaucoup plus que
cela.
En effet, souvent le début qui fournit le motif de la joie est
traduit à tort "...car plus nombreux seront les enfants de l'abandonnée
délaissée...".
Or, voyez le texte, il n'y a aucun doute qu'il
n'y a pas de futur mais que cela est bien dit au présent:
"ki-rabim
béné-choméma
car plus nombreux les enfants de l'abandonnée
délaissée"
et, en hébreu, l'absence du verbe être
correspond à un présent réel, actif et intensif : "sont".
Donc, Hachém dit à Jérusalem ce message : "tu
te sens seule, délaissée, et tu ne vois pas d'enfants autour de
toi comme si tu n'en a pas eu. Mais la réalité c'est que tu as
des enfants et ils sont nombreux mais tu es délaissée par
eux". De quoi s'agit-il?
Hélas, ce sont les
Juifs qui savent qu'ils ont une mère (la Torah de Jérusalem) et
qui vivent ailleurs la Torah d'autres pays. Voilà la vraie souffrance
du couple Israël-Hachém, et c'est Hachém qui
le dit par le prophète Isaïe nous expliquant la Torah : Jérusalem
souffre de cela.
Le miracle sera que les Juifs vivant ainsi loin de leur
racine maternelle la ressentiront assez
pour qu'ils arrivent à Jérusalem, y vivre, et vivre là
non pas dans la Torah des autres peuples qu'ils amèneraient avec eux, mais
bien dans la Torah de leur mère Jérusalem qui est leur vie.
Ce sera là le miracle.
Alors, bien entendu, l'oppression des autres
peuples disparaîtra et c'est cela la seule différence entre les temps
messianniques et aujourd'hui, dit le Talmud.
Cette capacité de ressentir
est celle qui s'éveille un jour quand une femme a donné toute sa
vie à sa carrière et , un jour, "ressent" qu'en elle existe
une autre dimension importante: être mère, et plus que cela, les
enfants qui ont besoin d'elle comme mère, non pas seulement "avoir"
des enfants, mais être pour eux enfants une mère. Ainsi, il ne s'agit
pas seulement de monter en Israël parce qu'il y aurait de l'antisémitisme
ailleurs (Israël connaît aussi l'antisémitisme autour et dedans),
ou des difficultés de travail (il y en a aussi en Israël), mais beaucoup
de choses plus profondes et, au delà de toutes: sentir le désir
que Hachém ou la Jérusalem d'En-haut éprouvent pour
bâtir ce paradis de la Jérusalem d'en-bas et s'y promener avec l'homme
comme au Jardin d'Eden. C'est cela le véritable désir réciproque
qui se joue entre D.ieu et les Juifs en Israël. Et les prophètes essaient
de nous y rendre sensibles.
C'est pour une histoire d'amour que D.ieu est
allé chercher ce peuple, lui a donné tous Ses secrets. Certains
trouvent toujours suspects les dons et, justement les sentiments. Et, pour cela,
ils perdent toute leur vie car que reste-t'il alors? Pourquoi, malgré l'impertinence
et la grossièreté des refus d'Israël, Hachém
a continué à l'aimer? Incompréhensible pour ceux qui n'accordent
pas une valeur à l'amour, au don gratuit et total et permanent. Ils choisissent
le malheur. Et essayent de faire croire que un confort matériel peut le
remplacer et ils perdent toute leur vie pour cela. Des valeurs, ils ont fait des
valeurs de bourse. Du désir profond dont il est dit nikhséfa
nafchi (psaume 84: désire mon âme) ils n'ont vu que le même
mot "késsef" (argent). Ils ont pensé que les sentiments
étaient pour l'argent, et que toute la vie n'est que pour l'argent et ils
ne croient plus aux sentiments. Pour sûr, ils sont malheureux.
La paracha
et la haftara nous ramènent à la seule réalité qui
est dans le monde et pour laquel le monde a été créé:
l'amour (ôlam bé'hésséd ibané, le monde
a été créé par amour et bonté).C'est le sens
de cette prisonnière soudainement aimée, et c'est le sens de la
haftara.
La Torah ne peut pas faire plus que de nous donner aussi noir sur
blanc les régles de ce monde. Libre à nous de choisir le malheur.
Libre à nous de choisir le bonheur. La Torah nous a dit: "j'ai mis
devant toi la bénédiction et la malédiction, la vie et la
mort, choisis la vie".
Maintenant, dans cette lecture
de la tradition, nous pouvons relire le texte de la haftarah, comprendre cette
relation amoureuse, ses douleurs, et revenir vers la paracha dans le sens des
commentaires que nous avons vus plus haut.
Exercices
Développement
personnel
- Relire toute la paracha dans cet axe.
-
S'interroger sur soi-même, en fonction des conduites décrites dans
cette paracha.
- Echanger avec des proches, ensuite, sur toute cette étude.
Méthode
d'étude
Repérer les nombreuses règles de méthode
d'étude décrites dans ce texte. Les noter sur des pages consacrées
à cela ; les apprendre.
Voir l'apprentissage, sur
notre paracha, des règles
de lecture de la Torah
Mémoriser :
- Hachém négdékha kol taavati
"Hachém,
tout mon désir est devant toi" (Psaume 38, 10). - Ra’hamana liba
baê
Dieu recherche le cœur de l'homme (Sanhédrine
106 b). - âvoda tsorékh gavoa
le Très-Haut
a besoin de notre prière du cœur. - lo dibera Torah élla kénéguéde
yétsére harâ
La Torah n'a parlé que pour
éduquer le yétsére harâ (Kiddouchine 21 b).
Pour les étudiants avancés Se
rapporter en hébreu aux chapitres 3-4 de Chaâréï Ora
de Ribbi Yosséf Guikatillia pour une analyse technique de l'expression
Hachém Tsévaote dans la prière.
Aller
aux sources citées et approfondir par l'étude du nouveau contexte.
Dessin
de l'auteur l'approche des aspirations et des complétudes
dans la plénitude intérieure qui appelle et hésite.